Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que le Roi témoignoit prendre à la santé de Madame de L… ne lui faisoit que trop connoître qu’il en étoit véritablement amoureux. Ce fut alors que toute sa jalousie se réveilla, et qu’elle chercha mille moyens pour traverser ce nouvel engagement, pour ruiner sa rivale, et pour la détruire dans l’esprit du Roi ou dans celui de son mari, ou pour faire tous les deux ensemble ; mais elle ne fit ni l’un ni l’autre.

La première chose qu’elle fit, fut de tâcher de découvrir où elle en étoit avec le Roi. Elle en fut bientôt instruite par un cas fortuit, qui lui fit tomber entre les mains la réponse que la comtesse avoit faite à son billet. Comme la Montespan avoit la liberté d’entrer à toutes les heures du jour dans la chambre de ce prince, elle y fut un jour qu’il reposoit, et comme cet amant pensoit toujours à sa nouvelle maîtresse, il ne pouvoit se lasser de lire le billet qu’elle lui avoit écrit, quoiqu’il ne fût pas aussi tendre qu’il l’auroit bien souhaité. Le jour que la Montespan trouva le Roi qui dormoit, il avoit tenu ce billet entre ses mains, et le sommeil l’ayant saisi, il l’avoit laissé tomber à la ruelle de son lit.

Dès qu’elle vit ce papier par terre, elle le prit pour voir ce qu’il contenoit, et elle comprit d’abord que le Roi aimoit la comtesse avec toute l’ardeur d’un amant, et qu’il n’avoit encore obtenu d’elle aucune faveur considérable. Elle se contenta d’avoir satisfait sa curiosité, et, remettant le billet où elle l’avoit trouvé, elle sortit tout doucement de la chambre pour n’interrompre pas le sommeil du Roi, et alla penser