Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/77

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empêcher le Roi de penser plus à elle. — « Sire, lui dit la Montespan, en affectant un air ingénu, ceux qui la connoîtront bien ne se feront pas une grande violence de renoncer à cette conquête, et ce ne sera pas sa vertu qui les en rebutera. — On dit pourtant, répliqua le Roi, que jamais femme n’a été plus sévère que celle-là. — Je ne sais pas, dit la Montespan, qui se plaint de sa sévérité ; mais je sais bien que la maxime des fausses prudes, qui ne peuvent pas avoir des amants, est d’affecter une vertu austère, afin qu’on ne dise pas d’elles dans le monde que c’est faute d’appas qu’on les laisse là ; mais c’est qu’elles sont plus chastes que tout le reste des femmes. — Ce que vous dites là, reprit le Roi, est bon pour celles qui sont sur le retour de l’âge, ou qui manquent de beauté, mais cela ne se peut pas dire de la comtesse ; elle est jeune et belle, elle a l’esprit brillant et poli, et il y a peu de femmes à la Cour qui aient autant de charmes qu’elle. — Je conviens de ce que vous dites, répondit la Montespan, mais Votre Majesté me permettra de lui dire que c’est une belle pomme qui est gâtée au dedans. — Expliquez-vous, je vous prie, dit le Roi ; est-ce qu’elle a des défauts cachés ? — Je ne les ai pas vus, reprit-elle ; mais il y a une femme qui la sert depuis longtemps qui a dit à l’une des miennes que sa maîtresse avoit des ulcères en divers endroits de son corps ; qu’il n’y avoit qu’elle seule, qui les lui pansoit, et son mari, qui le sussent ; et que lui-même en étoit si fort dégoûté, que la plupart du temps il ne couchoit pas avec elle. — Je suis surpris,