Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/86

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la chose ; la volonté fait tout dans ces affaires ; c’est un pur effet du hasard ; nous sommes assurés de la chasteté de nos femmes ; plaignons-les, et les consolons, au lieu de les porter au désespoir. Que savons-nous si Dieu s’est voulu servir de ce moyen pour nous donner un enfant à l’un et à l’autre, et si cela arrive, qu’y a-t-il à faire qu’à compter de cette nuit ? Et si nos femmes sont enceintes, quand leur fruit sera mûr, et que le terme d’accoucher sera venu, chacun prendra ce qui lui appartiendra ; et ces enfants ne seront pas moins à nous, que si nous les avions eus de nos propres femmes. » Il y en eut une qui voulut répliquer, et qui dit que cela leur seroit bien fâcheux qu’on leur arrachât un enfant qu’elles auroient nourri et porté neuf mois dans leur sein, et qu’on leur en donnât un autre, où elles n’auroient aucune part. On leur ferma la bouche, en leur disant que c’étoit pour les punir de la bévue qu’elles avoient faite en changeant de lit, qu’il falloit que la chose allât ainsi ; que l’enfant qu’on leur donneroit seroit celui de leur mari ; que, puisque les hommes regardoient souvent comme leurs des enfants qui n’appartenoient qu’à leurs femmes, elles pouvoient bien une fois en recevoir un de la main de leurs maris, et qu’elles auroient un avantage que les hommes n’avoient pas : c’est qu’elles pourroient toujours distinguer leur propre enfant de celui qu’on leur supposoit, et lui donner leur bien si elles le jugeoient à propos. Un jugement si sage apaisa d’abord le tumulte ; tout le monde se tut, chacun fut content, et au bout de neuf mois ces deux femmes