Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/87

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accouchèrent chacune d’un garçon, qui donna bien de la joie à ces deux familles.

Cette affaire ne put pas être si secrète qu’elle ne vînt à la connaissance du monde, et le Roi, qui en avoit ouï parler, trouvoit cela si plaisant qu’il souhaita plus d’une fois de tromper ainsi la comtesse, puisqu’il n’en pouvoit pas jouir autrement. Il communiqua son dessein au duc de La Feuillade. Le duc lui dit que cela étoit fort bien imaginé, et qu’il ne falloit que songer aux moyens de l’exécuter. — « Tout ce que j’y trouve, Sire, de fâcheux pour vous, c’est d’être obligé de faire le rôle du mari pour jouir d’une maîtresse ; et comme vous avez, sans doute, toutes les délicatesses des amants, vous ne goûterez qu’imparfaitement un plaisir qui ne s’adressera point à vous et qu’elle croira donner à son mari. — Je sais tout cela, dit le Roi, mais il n’importe ; il faut tirer de l’amour tout ce qu’on peut ; j’ai déjà le cœur de cette fière comtesse, et elle ne veut pas m’accorder le reste ; mais si je le puis avoir une fois, j’aurai tout ce qu’un amant peut souhaiter, et enfin elle pourra m’accorder de son bon gré ce que j’aurai une fois obtenu par cette ruse. Il n’est donc question que d’exécuter un dessein qui peut seul me rendre heureux. »

Cet habile confident dit au Roi qu’il alloit y travailler de ce pas ; qu’il savoit que le comte, comme la plupart des gens de qualité, couchoit dans un lit séparé de sa femme, d’où il l’alloit trouver quand il lui prenoit envie ; il lui dit encore qu’il croyoit, à force d’argent, gagner celui qui gardoit la porte de la chambre, et