Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/89

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me traiteriez un peu plus doucement. — Et comment voudriez-vous qu’on vous traitât, dit-elle ? — Comme on doit traiter un homme qu’on veut conserver, et que vos rigueurs font mourir, lui dit le Roi. — Quand on fait ce qu’on peut, ajouta-t-elle, on n’en doit pas demander davantage. — Que le comte est heureux, dit alors le Roi, puisque vous pouvez faire pour lui ce que vous ne sauriez faire pour moi ! — C’est un bonheur, Sire, lui dit-elle, que vous ne voudriez pas acquérir à ce prix-là. — Non-seulement à ce prix, si je le pouvois, lui dit ce prince passionné, mais au péril de mille vies. — Eh bien ! lui dit-elle, puisque cela ne se peut pas, il n’y faut plus penser, et nous consoler, vous et moi. » Après cela, elle se tourna du côté de la compagnie, et le Roi trouva ces dernières paroles si obligeantes, qu’elles le rendirent content tout le reste du jour.

Le Roi sortit quelque temps après, et il rencontra bientôt le duc de La Feuillade qui alloit trouver Sa Majesté pour lui rendre compte de sa commission. Il lui dit d’abord que les choses alloient comme il auroit pu le souhaiter ; qu’il s’étoit assuré de ce domestique ; que personne ne paroîtroit que lui dans le temps qu’il lui avoit marqué, et que le Roi pouvoit venir incognito, entrer dans la chambre du comte, et, quand il le trouveroit à propos, dans celle de la comtesse ; que, pour le comte, ils devoient souper ensemble chez le prince de Marcillac[1], et qu’ils

  1. Le prince de Marcillac dont il s’agit ici est le même que nous avons rencontré dans le 1er volume de ce recueil, et qui est devenu duc de La Rochefoucauld en 1680, à la