Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/96

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dans le sien, selon la coutume, qui étoit à la chambre prochaine. L’heure de se lever étant venue, ceux que leur devoir appeloit auprès du Roi ne manquèrent pas de s’y rendre, et particulièrement le duc de La Feuillade, qui s’y trouva des premiers. Dès que le Roi eut paru en robe de chambre[1], on remarqua d’abord cette petite égratignure qu’il avoit au visage. Les courtisans se regardèrent tous, pour se demander les uns aux autres la cause de ce qu’ils voyoient ; mais personne n’osa en parler au Roi. Ce monarque, qui connut d’abord le sujet de leur étonnement, et qui avoit assez près de lui le duc de La Feuillade, lui dit à l’oreille : « la belle a été cruelle. » Ce mot fut entendu de quelques-uns des courtisans, et il fut su à la cour et jusques dans les provinces ; mais personne ne devina quelle étoit cette cruelle qui avoit ainsi traité le Roi, et qui lui faisoit porter des marques de sa rigueur. Il n’y eut que le duc de La Feuillade qui comprît d’abord ce que c’étoit.

Après que ce prince fut habillé, il témoigna qu’il vouloit être seul une demi-heure, et il ne retint auprès de lui que le duc de La Feuillade. — « Eh bien ! lui dit le grand Alcandre, tu vois que je porte des marques de mon dernier combat. — A la bonne heure, Sire, lui dit le duc, pourvu que vous ayez remporté la victoire ; vous savez que l’Amour, aussi bien que Mars, aime quelquefois à se baigner dans le sang. —

    apparences, ne passa jamais une nuit sans aller coucher dans la chambre de la reine.

  1. Voyez ci-dessus, p. 25, note 14.