Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/99

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Permettez-moi de dire à Votre Majesté, répliqua le duc, qu’elle ne devoit pas sitôt abandonner son entreprise, et qu’elle auroit peut-être bien fait de se donner à connoître à la comtesse, pour l’empêcher de faire du bruit. Que sait-on, ajouta le duc, si, dans la pensée où elle étoit que ce fût quelqu’un de ses domestiques, qui, profitant de l’absence du comte, avoit eu l’audace de se glisser dans son lit, elle a paru si transportée de rage ? Ces sortes d’attentats ne sont pas sans exemple ; l’Amour hasarde tout, et ce n’est que par un pareil stratagême que cette espèce de gens peut réussir dans une entreprise de cette nature, ayant affaire surtout à des femmes qui sont de l’humeur de cette comtesse. Mais toute tigresse qu’elle est en fait d’amour, elle auroit été douce comme un mouton

    me souvienne de ce que j’ai ouï dire autrefois d’un certain Martin qui, ayant un âne noir, voulut faire une gageure qu’on n’y trouveroit pas un seul poil d’une autre couleur. Aussi étoit-il noir depuis les pieds jusques à la tête. Cependant il y eut un homme qui se présenta pour faire cette gageure. Il offrit de payer le prix de l’âne s’il n’y remarquoit aucun poil qui ne fût noir, et le maître de la bête s’engagea à la lui livrer s’il trouvoit un seul poil d’une autre couleur. La chose étant ainsi arrêtée entr’eux, il se trouva que la bête avoit un poil qui étoit grisâtre, mais si menu qu’il ne paroissoit que comme un point ; ce qui fut cause que son maître la perdit, et de là est venu ce proverbe : pour un point, Martin perdit son âne. Et vous, Sire, pour quelque chose de semblable, vous avez perdu la comtesse, qui, sans cela, ne pouvoir pas vous échapper.

    « Le Roi ne fit que rire de cette plaisanterie, et dit qu’effectivement il ne s’étoit jamais aperçu de cette marque sur son corps. Cependant, ajouta-t-il, c’est ce qui m’a fait perdre la bête que je tenois sans cela. Voilà la deuxième fois….., etc. »