Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/100

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si elle eût reconnu d’abord que c’étoit Votre Majesté qui la tenoit embrassée. — Ah ! que me dis-tu, répliqua le grand Alcandre, veux-tu me désespérer ? N’est-ce pas assez, pour me faire mourir, d’avoir manqué la plus belle occasion où un amant se puisse trouver ? Faut-il que tu m’assassines de plus fort, en voulant me persuader que c’est par ma faute que je suis tombé dans ce malheur ? Mais comment pouvois-je espérer de toucher cette insensible en me faisant connoître ? elle qui m’a toujours rebuté, elle qui a méprisé mon sceptre et ma couronne, et ma vie même, que j’ai voulu lui sacrifier pour tâcher de la fléchir ? Non, non, je ne me flatte point là-dessus ; elle ne m’a reconnu que trop, et ce n’étoit que par la voie dont je me suis servi que je pouvois venir à bout d’une femme qui n’est pas faite comme les autres, et qui n’aime que son mari. En puis-je douter après ces terribles paroles, « qui que tu sois, si tu ne me laisses, je t’arracherai les yeux, et j’appellerai mes gens ? » Tu vois que je porte les marques de cette furie ; et plût à Dieu qu’elle en eût le visage comme elle en a le cœur ! je ne serois pas si malheureux. Comment peux-tu croire, après cela, qu’elle se seroit adoucie si je me fusse fait connoître après en avoir été rebuté tant de fois ? Je crois que ma retraite fut sage, et que le meilleur parti que j’avois à prendre, étoit de sortir sans bruit de la chambre de la comtesse, comme j’y étois entré. Quel affront pour moi, de me voir assiégé d’une foule de pages et de laquais, qui eussent été les témoins de ma honte ! Tout Roi que je suis, je n’aurois pas