Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, II.djvu/15

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« Contemple maintenant votre Espagne ! — Elle presse la main qu’elle abhorre ; elle la presse pourtant, et vous repousse loin du seuil de ses villes. J’en atteste Barossa ! ses champs peuvent nous dire à quelle patrie appartenaient les braves qui ont combattu et sont morts. Il est vrai que la Lusitanie, alliée généreuse, fournit un faible contingent de combattants et parfois de fuyards. O champs de bataille glorieux ! Bravement vaincu par la famine, pour la première fois le Gaulois bat en retraite, et tout est dit ! Mais est-ce Pallas qui vous a appris qu’une retraite de l’ennemi était une compensation suffisante de trois longues olympiades de revers ?

« Enfin, jette les yeux à l’intérieur. — c’est un spectacle sur lequel vous n’aimez pas arrêter vos regards. Vous y trouvez l’incurable désespoir et son farouche sourire ; la tristesse habite votre métropole : en vain l’orgie y fait entendre ses hurlements, la famine y tombe d’épuisement, et le vol rôde dans ses rues. Chacun y déplore des pertes plus ou moins grandes ; l’avare ne redoute plus rien, car il ne lui reste plus rien à perdre. « Bienheureux papier-monnaie ! » qui osera chanter tes louanges ? Il pèse comme du plomb sur les ailes fatiguées de la corruption ; cependant Pallas a tiré l’oreille à chaque premier ministre, mais ils n’ont daigné entendre ni les Dieux ni les hommes. Un seul, rougissant de l’état en faillite, invoque le secours de Pallas, — mais il est trop tard : il raffole de ***, s’humilie devant ce Mentor, bien que lui et Pallas n’aient jamais été amis ! Vos sénats écoutent celui dont ils n’avaient jamais entendu la voix, présomptueux naguère, et tout aussi absurde aujourd’hui. C’est ainsi qu’on vit autrefois la nation sensée des grenouilles jurer foi et obéissance au roi « Soliveau ; » vos gouvernants ont fait choix de ce noble crétin, comme jadis l’Égypte prit un oignon pour dieu.

« Maintenant, adieu ! jouissez du moment qui vous reste ; étreignez l’ombre de votre puissance évanouie, méditez sur l’écroulement de vos projets les plus chers ; votre force n’est plus qu’un vain mot, votre factice opulence un rêve. Il est