Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

187. Par longueur, j’entends la durée ; les leurs durèrent Dieu sait combien ! — Ils ne les comptèrent jamais, et s’ils l’avaient essayé, ils n’eussent pas donné à la somme de leurs sensations l’étendue d’une seconde. Ils n’avaient pas dit un mot, mais ils s’étaient sentis entraînés comme si leur ame et leurs lèvres se fussent mutuellement appelées : une fois réunies, elles se pressèrent comme font les abeilles ; — leur cœur étant la fleur dont ils aspiraient le miel.

188. Ils étaient seuls, mais non pas comme ceux qui, renfermés dans leur chambre, croient jouir de la solitude. L’Océan silencieux, la voûte étoilée, les nuances du crépuscule qui se perdaient peu à peu, les sables immobiles, et les grottes humides formées autour d’eux, leur inspiraient le désir de se presser davantage, comme s’ils eussent été les seuls êtres vivans sous les cieux, et comme si leur vie n’eût jamais dû s’évanouir[1].

189. Ils ne redoutaient d’autres oreilles, d’autres yeux que ceux du rivage désert ; la nuit ne leur inspirait pas de terreur, ils étaient tout dans l’univers l’un pour l’autre[2]. Leurs phrases étaient formées de

  1. On demandera peut-être au poète ce qui pouvait ici donner à ses deux amans l’idée d’une vie éternelle ? Justement l’immobilité de toute la nature, qui semblait attester son éternité, et par conséquent celle de l’univers, celle de leur âme, celle de leur corps lui-même.
  2. Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, Toujours divers, toujours nouveau : Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. J’ai quelquefois aimé. (La Fontaine.)