Page:Cérésole - En vue de l’Himalaya.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que le vent, un déluge s’est déchaîné, et au bout d’un instant, l’intérieur de ma tente s’est transformé en marécage. À ce moment, cette eau n’était d’ailleurs qu’un détail ; l’important, le palpitant, le passionnant de l’affaire, c’était, devant la force croissante du vent, de savoir si la tente tiendrait, si les piquets tiendraient ! « Tiendront — tiendront pas ? » L’ouragan redouble ; les bambous de support plient, mais ils ne gémissent pas. La toile d’entrée se gonfle comme une voile, menaçant de renverser table, fauteuil, cruche en terre contenant l’eau potable ; tout tremble, tout claque, tout secoue. Dans ma crainte de voir le vent soulever la toile d’entrée et, une fois dans la place, tout emporter, je dispose les pieds de mon fauteuil sur le bord de la toile pour le retenir sur le sol, et reste assis pour faire poids ; fort embarrassé du reste par cette nécessité, au moment où je ferais bien de rassembler précipitamment mes affaires les plus nécessaires dans ma valise et dans ma caisse de cuisine, pour le cas où le désastre se produirait, et où, comme un grand oiseau, ma tente s’envolerait par dessus la digue, en me laissant, moi et mon matériel, comme une couvée abandonnée soudain aux intempéries, au milieu d’un marécage.

Minutes, secondes fort intéressantes. Il suffit qu’un seul piquet lâche. Le voisin a alors une raison de plus d’en faire autant, et le suivant a alors deux raisons, etc. La panique et la démoralisation ont toutes les chances de se répandre avec une rapidité foudroyante dans les 29 piquets.

Je suis tellement occupé à faire poids, que je ne puis guère songer à ce qui se passe de l’autre côté de la citerne, et n’ai aucun moyen de m’informer si les huttes du camp sont encore debout. En vérité, c’est inquiétant, d’autant plus que — détail important à mentionner — la femme de notre ami P., attendant un bébé, n’a absolument pas voulu quit-