Page:Cérésole - En vue de l’Himalaya.djvu/131

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la plus petite chose, le plus petit détail d’un village peut déjà coûter de peine.

Sur l’avenue, des chariots à bœufs circulent, transportant jusqu’aux maisons en construction la terre ou les quelques matériaux, — les derniers, — venant de Damoutchak.

Deux bœufs blancs, deux grandes roues grossièrement charpentées ; entre les roues, et dominant ses bœufs, le conducteur tout brun, tout bronzé, presque noir, avec son turban blanc, son « dhoti » autour des reins, jambes nues, torse nu. Cela avance en craquant, gémissant, cahotant tout doucement entre les ornières et sous la brise qui souffle assez violemment ; une immense cravate de poussière blanc-crème se détache du chemin et coupe obliquement le paysage, en enveloppant dans un nuage les porteurs de terre, paniers sur la tête, et les porteurs d’eau, le balancier sur l’épaule, chargé aux deux bouts de deux lourdes cruches. Ils avancent d’un petit trot rythmé pour que le poids soit moins gênant et ne « dure » pas trop longtemps. Les masses assez lourdes — pas très élégantes — des maisons s’élèvent déjà bien haut hors de terre ; elles sont luxueuses comparées aux maisons des villages voisins : d’abord elles ont des portes, de magnifiques portes en bois que nous avons amenées de Damoutschak et la porte est un luxe normalement ignoré ici ; luxe bien plus grand et rare encore : elles ont des fenêtres, de magnifiques fenêtres, sans vitre, bien entendu, mais garnies de barreaux de fer. La fenêtre a une signification sociale et hygiénique qui en fait tout autre chose encore qu’un éloquent symbole largement « ouvert sur l’avenir ». Les villageois s’opposent très souvent à leur introduction à cause de leurs idées, plus ou moins complètement conservées, sur le « purdat », la claustration des femmes, qui n’est pas considé-