Page:Cérésole - En vue de l’Himalaya.djvu/141

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dernière fois on a chanté, — mais un seul des paysans, un moussard (intouchable) s’est exécuté : chose curieuse, un chant politique d’inspiration congressiste et morale, décrivant les faiblesses politiques de l’Hindou et les vertus qui lui seront nécessaires pour arriver à la liberté. Un étudiant a donné un autre chant du même genre. Un jeune professeur de Patna s’est exécuté dans un chant philosophique ; tirant, en phrases musicales très harmonieuses, des conclusions morales de la thèse fondamentale que le « monde n’est qu’illusion ». C’est ce chant qui m’a le plus vivement frappé. Pour la première fois, la musique hindoue me paraissait être vraiment de la musique… Le chant national congressiste — « Bande mataram » — a été exécuté aussi, mais bien médiocrement. Dans ce programme singulier, Joe, Schenker et moi avons apporté aussi notre contribution, et tout là-bas, dans la plaine du Gange, en concurrence avec le glapissement des chacals — qui restent toujours « vedettes » aux soirées ordinaires — nous avons chanté l’« Amitié ».

L’auto qui nous a emmenés lundi matin nous a apporté aussi un abondant dernier courrier, dernier salut d’amis qui ne se doutaient pas en nous écrivant que leur lettre nous atteindrait à la seconde même du départ. Au lieu d’aller sur Muzzafarpur par le chemin direct ordinaire, sur l’ordre de P., le taxi a passé par notre nouveau village en construction, et là une scène émouvante s’est déroulée. Les villageois, au nombre de 150 à 200, occupés à construire leurs maisons, avaient arrêté le travail et s’étaient rangés en double haie à gauche et à droite de notre grande avenue principale. L’auto s’est arrêtée, on nous a couronnés de guirlandes, on a crié : « Ki jai ». Nous avons vu encore une dernière fois — la toute dernière probablement pour Joe et