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Page:Cérésole - Vivre sa vérité.djvu/18

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AUTOUR DU MONDE :
LES ÉTATS-UNIS, HONOLULU

Aux États-Unis, Pierre Cérésole est frappé par l’entrain, la joie de vivre de ce peuple. Dans ce milieu de gens « pratiques », il souffre de n’être qu’un « intellectuel ». Brusquement il décide de continuer son voyage vers l’Ouest en gagnant sa vie comme ouvrier.

Période d’abord très dure : il n’est qualifié pour aucun travail manuel.

Enfin à Petaluma en Californie, il est embauché dans une grande exploitation pour l’élevage des poulets. À Santa-Maria, aux gisements de pétrole, il fait du travail de nuit : surveiller, nettoyer, remettre en train les pistons de pompage qui s’encrassent.

Après plusieurs mois de travail, il a gagné de quoi s’embarquer comme passager sur le trois-mâts R. P. Rithet. Il quitte San-Francisco la dernière semaine de septembre et arrive à Honolulu le 15 octobre 1910.

Dans les îles Hawaï, impossible pour un blanc de trouver du travail manuel. Il commence donc par donner des leçons privées, puis on le charge d’un cours de littérature française au collège français de l’Université, et, bien vite, il est introduit dans la société américaine la plus brillante, la plus désœuvrée et la plus fortunée ; avec humour il note l’effet qu’il doit produire : « Pauvre garçon ! Il détonne en société comme une vérité dans un article nécrologique. »

Malgré l’effet déprimant que font sur lui la richesse fabuleuse de beaucoup d’hommes d’affaires et de grands propriétaires, et l’étalage de leur vie de luxe effrénée, Pierre s’éprend désespérément d’une femme mariée appartenant à ce milieu brillant et frivole. C’est la première fois qu’il aime : il a trente-deux ans, elle trente-six. Habituée à des hommages moins discrets, il semble qu’elle se soit fait un jeu cruel de cet amour si profond et si pur. La lecture des Carnets montrera à quel prix Pierre s’est arraché à cette passion et combien cette lutte déchirante l’a mûri.