Vivre fortement, droitement, largement, humainement, sans écraser les autres ; pour l’esprit, pour l’âme, non pour nous-mêmes.
C’est une folie pernicieuse de vouloir que tous les individus s’organisent sur un même schéma, avec un même idéal ; l’idéal de la fleur, la constitution qu’elle tend à réaliser, ne peut être la même que pour la racine.
Et, de ce point de vue, l’idée que Kant a donné, comme fondement de la morale, une loi que l’on puisse proclamer universelle, paraît absurde ; mais il veut une inspiration générale commune.
Quelle est cette inspiration ? que peut-il y avoir de commun entre la fleur et la racine ? La fleur qui dure une saison n’a aucune espèce de motif de songer au futur ; elle vit pour le moment, pour l’heure, pour la minute de soleil. La racine, elle, dure aussi longtemps que l’arbre ; il faut qu’elle songe aux autres saisons, à la manière dont l’arbre croîtra, etc. Qu’est-ce qu’il peut y avoir de commun ?
Peut-être rien de saisissable à notre intellect, à notre intuition même (celle-ci n’ayant à nous renseigner précisément que sur notre rôle pratique concret en tant que fleur, ou que racine). La seule règle serait de dire : à chacun sa vérité, qu’il doit trouver dans sa conscience, dans son intuition ;