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le forgeron de thalheim

ries sur la salle de danse, les chansons des buveurs assoiffés, les tirs aux cibles tournantes, grimaçantes et chantantes, les hercules aux bras d’acier, à la lèvre dédaigneuse devant des poids de deux à trois cents livres, les guignols, les femmes monstres, déployant leurs grâces masculines dans la cambrure de leur torse, les conversations surprises de tous côtés, effets des coups de vin et des coups de soleil, la gaieté des joueurs heureux, la mine longue des victimes du sort, enfin l’éternel chatoiement de tous ces bibelots offerts à l’avidité du public, tout cela et beaucoup d’autres choses que j’oublie formaient bien le spectacle le plus étrange qu’il soit donné à l’œil populaire de contempler, particulièrement dans les campagnes. Et toutes ces personnes en ce jour de liesse oubliaient les peines supportées, les douleurs souffertes, les angoisses de la veille et les soucis du lendemain. Cependant, à un observateur scrupuleux, un fait n’eût pas échappé : comme une tristesse profonde apparaissait, fugitive, sur certains visages, lorsqu’une jeune recrue, en congé, portant l’habit bleu de l’infanterie allemande et la casquette à large bande rouge, venait à passer au milieu des groupes, en compagnie