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le forgeron de thalheim

dresses que sa fillette lui réservait ; alors, à ces pensées consolantes, à cette vie rétrospective, il oubliait l’existence du moment, les chagrins que la misère, une fois ou l’autre, mettait devant ses pas, et les tourments que cause l’avenir, lorsqu’on est père, qu’on est vieux et que votre enfant, du jour au lendemain, peut se trouver seule, sans fortune et sans soutien, au milieu d’une société dont les vices sont des abîmes où vont glisser les jeunes filles.

Cependant, comme il y allait gaiement à l’ouvrage, le bûcheron Jean Schweizerl !

Il vous aurait fallu le voir, le bon vieux, ses outils sur l’épaule, la pipe de mérisier entre les lèvres, le sac à pain en sautoir, arpenter les allées solitaires des forêts qu’il connaissait depuis longtemps, très longtemps, je vous assure, ayant au-dessus de lui le concert matinal des oiseaux qui ne s’effarouchaient plus à son approche, tant ils étaient habitués à cette figure de bonhomme plus ou moins satisfait, et respirant à longs traits l’air imprégné de ces âcres senteurs que les jeunes pousses exhalent au printemps. Il n’eût pas changé alors sa vie contre celle d’un opulent citadin. Son cœur se dilatait largement au