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le forgeron de thalheim

fût encore libre, il se plaisait à le croire ; mais que son père eût des projets de mariage à l’égard de son enfant, c’était probable, et il n’osait trop s’arrêter à cette pensée. Une chose, pour lui, était certaine : il épouserait Suzanne ou il ne se marierait jamais. Il ne sortait pas de ce raisonnement et, quand son esprit discutait les chances qu’il avait, Robert retombait aussitôt dans cette calme tristesse que manifestent les grands cœurs en présence de l’impossible.

Tout à coup, au moment même où ils venaient d’achever le ferrage de leurs roues, ils entendirent, du côté du village, le bruit strident que fait un char roulant rapidement sur la route sèche. Quelques cris attirèrent leur attention. Robert s’avança d’une dizaine de pas jusqu’au bord de la voie publique. Il aperçut alors, vers les dernières maisons de Thalheim, un cheval bai brun qui courait follement attelé à une légère calèche où se trouvaient, sans doute à demi-morts de frayeur, le tuilier Teppen et sa fille Suzanne. Le cheval avait pris le mors aux dents, épouvanté à la vue de l’une de ces grandes voitures, couverte d’une immense toile blanche, si commune dans la haute Alsace. Joseph Tep-