Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/102

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savait parer avec grâce les coups délicats d’adversaires habiles, dont toute la science se bornait à viser le cœur sans le toucher jamais ! Quelle jolie escarmouche de mots spirituels, de mutines agaceries, un vrai feu d’artifices de galanterie d’un côté et de coquetterie maniérée de l’autre. Se battre à coups de madrigaux et de sonnets, les blessures n’en sont pas mortelles. M. de Voiture adressait à une délicieuse marquise ce galant rondeau :

Je meurs tous les jours en adorant Sylvie,
Mais dans tous les ennuis dont je me sens périr
Je suis si content de mourir que ce plaisir
Me redonne la vie.

Dans le tourbillon de la danse, bercé par l’ivresse du rythme, quel valseur a su résister à la tentation de laisser tomber dans l’oreille nacrée, qu’il effleure de son haleine, quelques mots d’amour inconsciemment montés à ses lèvres. Serments éphémères qui s’évanouiront aux premiers baisers de la brise matinale.

Et toi, pauvre petite, tu as bu ces paroles brûlantes et tu les crois, car tu es à cet âge passager où le songe et la réalité se confondent : on rêve à ce que l’on voit et l’on voit ce que l’on rêve. Ton âme soudain s’est éveillée et tu écoutes ravie, la merveilleuse cantilène qui chante en toi.

Aux premières teintes de l’aube, quand sur les sièges épars traine une toilette de bal : ici la robe de gaze, plus loin les souliers en satin, sur le tapis de la descente, un bouquet flétri. Perdue dans son lit blanc, la jeune fille, la tête appuyée sur son bras nu, revoit les heures délicieuses écoulées. Comme il était gentil, ce monsieur Paul ! En dix minutes, il a trouvé moyen de me comparer à un