Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/115

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une natte de paille pour faire la sieste. Les mères ont conservé l’usage des anciens berceaux indiens, lesquels donnent à leur nourrisson l’apparence de petites momies égyptiennes. Le bébé est solidement ficelé sur une planche par des courroies. Autrefois, les squaws le fixaient à leurs épaules, comme une valise ; aujourd’hui elles se contentent de l’envelopper dans les plis de leur chape ; bien malin celui qui pourrait deviner leur cachette. C’est tout de même un étrange spectacle que cette planche mouvante qui vagit et se démène, que l’on dépose debout dans un coin ou sur une berceuse, et que les vieilles font sauter dans leurs bras !…

Les sauvages de Caughnawaga ont conservé dans toute sa pureté l’idiome iroquois, langue bizarre aux sonorités harmonieuses, imagée mais restreinte et incomplète. Les mots abstraits y sont inconnus, ce qui complique la difficulté de donner aux sauvages une compréhension de la théologie, même élémentaire. Les indiens ne connaissent pas le babil et peu la conversation ; ils échangent des paroles concises pour se faire part de leur volonté ou de leurs impressions et affectent beaucoup de solennité dans leurs discours. Leur esprit rêveur est inactif la plupart du temps ; leur intelligence, rapide et pénétrante, est apte à recevoir l’instruction la plus étendue, mais incapable d’efforts prolongés. Il arrive souvent qu’au moment d’accepter les liens de notre société, si le sauvage revoit le wigwam paternel, s’il respire l’air libre des champs, s’il flaire la piste du gibier, adieu la civilisation et ses avantages : l’enfant des bois retrouve ses jambes agiles et son œil de lynx !

John Jocks est la personnalité intéressante à Caughnawaga. De par droit, de sang royal il est le chef de la tribu iroquoise, et son blason se lit sur sa figure qui offre le plus pur type de la race indienne. Nez aquilin, yeux