Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/118

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Chez les peuplades qui ont survécu au fléau dévastateur, quels sont donc les bienfaits de cette civilisation tant vantée ? À la place des vertus que nous leur avons ôtées, des vices ont surgi : l’ivrognerie, ce vaste système d’empoisonnement des races, l’apathie, la débauche, l’appât du gain, la rapine, etc.

Je regardais ces profils aquilins et ces yeux à demi-fermés des sauvages paresseusement étendus le long de la grève. J’aurais voulu pénétrer la pensée de cette interminable jonglerie. Souffrent-ils de leur déchéance ? Ont-ils conscience de leur lente agonie ? Sont-ils dans ce sommeil comateux que la nature bienfaisante envoie peut-être aux races comme aux hommes pour leur voiler l’horreur de la prochaine destruction ?

Ah ! la fin n’est pas éloignée. L’ancienne chèfrerie est abolie, la subvention annuelle du gouvernement aux sauvagesses qui portaient la couverte, rayée du budget ; chaque jour des vandales, sous prétexte de restauration, détruisent les derniers vestiges de l’antique gloire iroquoise. Ce coin de terre pelée, riche présent des envahisseurs, donne juste assez de maïs pour nourrir les corneilles. Avant cinquante ans, la petite cloche sonnera le glas de la plus fière tribu guerrière du Canada.

Les Anglais ont l’infernal talent de miner sourdement la vie d’une race. Comme la taupe, ils rongent la racine d’un tronc vigoureux, tout en laissant à l’arbre ses feuilles et l’espoir des bourgeons. Hier, les Indiens d’Orient, aujourd’hui les Peaux-Rouges, demain… ?

«....vous pouvez prendre à votre fantaisie,
L’Europe à Charlemagne, à Mahomet l’Asie,
Mais tu ne prendras pas demain à l’Éternel. »