Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/135

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forçant de traîner le boulet de vos mièvreries sentimentales ou de vos ineptes fadaises.

Une jeune névrosée écrivait dernièrement : « J’ai l’âme fière et tendre, j’aime à me faire aimer, chérissez-moi donc ! »

Une ingénue (?) celle-là, posait cette question : « Puis-je embrasser un garçon, quand il me le demande. »

Il fallait joindre un portrait à la lettre, pour permettre à la chroniqueuse de rendre un oracle judicieux. Si la fillette est marquée de la petite vérole, avec un œil qui regarde Notre-Dame et l’autre Saint-Patrice, c’est de lui écrire à toute vapeur : « Prenez le baiser aux cheveux !… »

— Si la correspondante est jolie… L’impossibilité de faire honneur à toutes les réclamations qui lui tomberont dessus, lui fait un devoir de refuser net.

Mon Dieu, quand on ne sait pas toutes les circonstances, qui parfois changent l’espèce des choses et même des gens, comment donner un conseil salutaire ?

Correspondants chéris, aimez-moi, si vous le voulez, je le mérite bien… ? Mais, de grâce, ne m’en faites pas l’aveu, car moi aussi j’ai une petite âme farouche. Sous vos paroles de flamme, je frissonnerais pour me refermer comme la classique sensitive. Mon cœur tout entier, je le garde pour ceux qui endurent de vraies douleurs : ceux-là ne savent pas tenir une plume, ils ont la pudeur de leurs souffrances. Puissiez-vous les trouver, car ils se cachent bien. À ceux-là, versez comme une aumône la sympathie qui console !

Avez-vous des déceptions, des troubles de ménage ?… L’âme dans sa chute à bas de l’idéal s’est-elle marbrée de bleus — pourquoi nous affliger de ce désolant spectacle. Une mère est la confidente naturelle de vos chagrins ; à son défaut, une amie… Et, si vous êtes pauvre, orphelin, sans gîte, sans ami, Dieu est partout, tombez à genoux,