Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/163

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quelle banale sympathie offrir à cette affligée d’un nouveau genre, quand j’eus une idée géniale. — Mais elle repoussera, petite folle, et plus épaisse et plus soyeuse… Dis, elle seia superbe la tête de ton Paul, avec une moustache à la gauloise, comme en portaient les premiers rois francs, Mérovée, Clovis… !

Mais elle secouait la tête, peu couvaincue.

— En attendant, je suis comme le laboureur dont la chaumière vient d’être la proie des flammes, avant qu’une autre maison plus coquette se soit élevée sur les ruines, il erre, sans foyer, pleurant le nid de ses amours, incertain de l’avenir et tout au vide du moment.

Je verrai le dessous du nez de mon amoureux, passer par les phases premières de l’évolution. Charbonné comme avec un mauvais fusain, puis les poils droits, hérissés comme le museau d’un matou en colère !… Ah ! je le sais, cette nouvelle, je ne l’aimerai pas comme l’autre !… La pauvrette tamponnait avec son petit mouchoir, les deux fontaines qui coulaient de ses yeux.

Je n’oublierai jamais ce jour néfaste. J’allais le nez au vent, heureuse de vivre, étant aimée, je humais l’air avec délice, quand j’aperçus un inconnu venant à moi, l’œil souriant, la mine réjouie, les mains tendues. — Quel insolent personnage, pensai-je en détournant la tête pour éviter son regard — Bonjour Rosette. — Monsieur ! — Ah ! ça ! on est bien fière aujourd’hui. — Monsieur, voulez-vous !… Le monstre éclata de rire. Cette voix, cette casquette, mon Dieu, c’était lui, lui, avec une pareille face de moine. Mon cœur cessa de battre, un nuage passa sur mes yeux, un instant je souhaitai que la terre s’entrouvrît pour nous engloutir tous les deux.