Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/184

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rusée à l’adresse des hommes. Oh ! comme la soirée passait vite… Tant il est vrai que l’amour comme la pierre philosophale dore tout ce qu’il touche !

Au coup de dix heures, tous deux tressaillaient douloureusement. La jeune fille, le cœur gros, reconduisait son amoureux à la porte, où un colloque silencieux s’engageait. Jean, pour cacher son émotion, jouait avec les frisures de la blondine. Vingt fois ils se disaient bonsoir, sans pouvoir se séparer. Quand la maman rangeait les chaises en faisant semblant de ne rien voir, le fripon volait un baiser, qu’il emportait comme un trésor…

Mariette suivait longtemps des yeux sa pâle silhouette sur le chemin, jusqu’à ce qu’elle ne fut plus qu’une tache mouvante, se perdant elle-même dans la brume.

Le lendemain, elle revoyait les yeux rieurs, la fine moustache, le sourire railleur de son amoureux voltiger autour d’elle, tels des insectes (cruels, parce qu’insaisissables) mais surprenants, délicieux et fous !…

Depuis quelque temps, les vieux semblaient sombres et agités. Était-ce que l’été finissant jetait une amertume dans leurs âmes ? Le déclin des jours est un sinistre présage pour les fronts qui s’inclinent vers la terre. Le soleil rouge comme un grenat se couche dans un ciel cendré de violet, qui porte déjà le deuil de la saison des roses. Cependant autre chose encore semblait les préoccuper. Le soir, quand la petite montait se coucher, pelotonnés frileusement au coin du feu, ils devisaient à voix basse :

— Tu parleras, toi !…

— Moi ! Jamais ! C’est pas mes idées ça ! Pourquoi pas les laisser s’aimer tranquillement, ces enfants !