Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/192

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La vaillante, la chevaleresque, n’a jamais compté ses blessures ! Aussi l’immortalité ne lui marchande pas la gloire et les lauriers. L’Irlande opprimée, les États-Unis esclaves combattent sous son drapeau. Le Transvaal, dans la personne de Kruger, vient réclamer les encouragements et les bénédictions de la mère de la Liberté et de l’Honneur. Voilà, que les trous béants, creusés par les balles prussiennes, sont devenus des foyers incandescents de lumière, qui éclairent et vivifient l’humanité pensante auréolée par cette nouvelle flambée d’amour de la vieille Gaule !

Les temples sont tombés ! Mais la chute des idoles n’a pas ébranlé la statue de l’Honneur, qui reste debout avec une étonnante vitalité. Les sceptiques ont soufflé sur toutes choses leur rictus de néant, fors l’honneur. À ce nom du dieu respecté, on sent remuer une fibre toujours sensible, et chacun se recueille avec gravité, dès qu’il s’agit de donner « sa parole d’honneur. » La honte d’avoir manqué à l’honneur, imprime au front une tache indélébile.

Tous ont-ils conservé ce culte touchant ! Hélas ! vous le savez comme moi, le nombre des adorateurs fervents diminue chaque jour, parce que la grossière matérialité, l’égoïsme brutal, l’ardente cupidité, menacent d’étouffer l’art et l’idéal. Le capitaliste préfère les gros revenus à l’estime de ses semblables. Il ne s’émeut qu’en présence de l’or ; plus il amasse, plus son âme se resserre ; il attire tout à lui, opprime et absorbe tout, sans compatir aux souffrances d’autrui, toujours incliné sur ce qui rase terre, lui créé pour contempler le ciel et posséder l’infini ! La soif du gain contamine tout : le foyer, le sanctuaire,