Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/204

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du Sahara. Sans doute, le Dieu juste, qui veut punir le célibataire endurci et égoïste, lui donne comme avant-goût des grils éternels un coin du feu !

La société vengeresse, inspirée par les promoteurs du féminisme, voudrait qu’une taxe annuelle fût prélevée sur les célibataires, pour aller grossir une bourse destinée aux jeunes filles pauvres… C’est vraiment une cruauté inutile, il vaudrait mieux encore assurer aux vieux garçons une rente viagère pour les empêcher de courir après la dot et d’imposer à quelque âme fraîche et naïve le poids de leur scepticisme blasé, la mélancolie de leurs rhumatismes goutteux !

C’est au coin du feu, quand Bébé dort son cher sommeil d’innocence, rêvant à l’Oiseau bleu et au petit Poucet, que s’élaborent à voix basse les projets d’avenir que l’on forme pour l’enfant, espoir et orgueil des parents.

— Moi, dit la mère, je veux qu’il soit prêtre ; quel bonheur d’assister à sa première messe ! Vois-le dans son aube blanche monter les degrés de l’autel, la figure irradiée des rayons célestes, il ressemble à quelque blond séraphin, quand à sa voix le Maître du ciel s’incarne en ses mains… Je ne serais pas jalouse du bon Dieu, mais, si une femme allait me voler son cœur pour le torturer, qui sait, et le détacher de moi, j’en mourrais ! Et puis, le ministre du Seigneur coule des jours paisibles dans un port sûr, il entend gronder au loin les flots en furie sans être ému !… Il me gardera avec lui, je serai sa ménagère, je continuerai à envelopper le cher enfant de ma chaude tendresse, à le câliner comme aujourd’hui. Ah ! je verrai venir la mort sans terreur, sans appréhension, certaine de passer de ses bras au ciel, la main de mon fils levée sur mon front glacé pour le purifier et le bénir…