Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LA PIPE



JEANNETTE se marie dans quinze jours, c’est dire que la vie ouvre devant elle ses splendeurs. Le passé disparaît comme une île lointaine dont s’éloigne un vaisseau entraîné vers la haute mer. Les souvenirs d’hier se noient dans l’évocation de demain. Heureuse enfant, qui aperçoit les choses par le gros bout de la lorgnette : les perspectives s’adoucissent dans un ensemble harmonieux, baignées de lumière : pas un point noir ne tache le ciel bleu des illusions : colombe ingénue, elle s’élance gaiement vers la joie comme à un soleil allumé exprès pour elle.

— Ah ! ma chérie, me disait-elle, extasiée, la belle part que le bon Dieu m’a faite, vraiment je ne la méritais pas. Avoir pour mari une perfection — ne ris pas : l’ombre des misères humaines ne l’a jamais effleuré. — Non