Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/212

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pour elle n’a pas de déclin : toujours la même sollicitude à la bien coucher au fond de l’étui de satin rouge, le même empressement à la sortir de sa prison, les mêmes câlineries à lui faire.

— Allons, ma vieille, à nous deux maintenant. — Que j’ai souffert de ne pouvoir causer un instant avec toi, la vie est bien cruelle ! — Les jours de bonne humeur il l’appelle Joséphine, de son petit nom. Et ce sont des contemplations sans fin, des explosions de tendresse qu’il a l’impudence de vouloir faire partager à sa femme :

— Mais regarde donc, comme elle embellit. — Ah ! le beau cerne !

L’une de ces pauvres négligées de la pipe me disait, un jour, en me montrant son mari qui fumait, paresseusement étendu sur son divan, avec l’air béatement heureux d’un pacha savourant son narghileh :

— Ah ! vous croyez donc que l’homme a été créé et mis au monde dans un but identique au volcan, pour lancer nuit et jour de la fumée et des laves. Depuis vingt ans, mon mari n’a jamais fait autre chose, au retour de son ouvrage, que de secouer et de remplir sa pipe sans la laisser refroidir. Pas dix minutes d’intermède entre chaque bourrée, et vous trouvez cela amusant. — C’est gentil, un fumeur, dites-vous, oui, pour se faire boucaner ainsi que des jambons et chatouiller la gorge comme avec une branche de balai. Avec ça, que les crachoirs sont de poétiques cassolettes, et la cendre, les bouts d’allumettes qui traînent sur les meubles, de bonnes recommandations de propreté. Entre l’haleine d’un fumeur et le parfum de l’iris, vous croyez qu’il n’y a pas de notoire différence ? Ah ! la pipe ! la pipe ! une invention de Satan, un fléau pis que les sept plaies d’Égypte. Et la petite femme