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bleu — blanc — rouge

— Chut ! je te conterai ça dehors. As-tu tes gants ! Bon ! Tu es jolie ainsi ! Arrive donc !

La porte à peine refermée, la charmante enfant me prit la main.

— Ma chérie, si tu savais comme j’ai du chagrin, ne ris pas, du vrai cette fois.

— Impossible ! qui donc voudrait te faire de la peine, toi si bonne, ça prendrait un monstre.

— Hélas ! le monstre est un joli garçon, depuis que ses moustaches ont repoussé. Tu te souviens du vilain tour qu’il m’a joué et de ma grosse colère d’alors. J’étais furieuse, quoi ! Comme je ris aujourd’hui de ces petites misères. Ce qui m’arrive est si triste ! Mon Paul, si gentil, si spirituel, qui me jurait hier encore un amour éternel, eh bien ! Georgette l’a vu se balader sur la rue avec une femme, haute comme ce poteau de télégraphe. Il avait l’air de son petit garçon, paraît-il. L’horrible créature riait comme une folle. Tiens, j’en frémis, je l’aurais étranglée, si je l’avais tenue.

— Voyons, voyons, calme-toi. — Oh ! ces amies ! Qu’avait-elle besoin de te faire ces révélations exagérées pour le moins ! Ton Paul, je parie, est aussi innocent que le bébé qui vient de naître. Est-ce qu’on ne peut faire un bout de conduite à une jolie fille, sans commettre un crime de lèse-fidélité ? La belle promeneuse était, qui sait, une petite cousine de la campagne et ton galant fiancé lui servait de cicerone à travers la ville. On évoquait des souvenirs d’enfance, lorsque chez grand’mère on jouait au petit mari et à la petite femme… Et la cousinette de rire, de rire.

Mais au fait, où me mènes-tu ? Nous enfilons depuis vingt minutes des rues sombres et tortueuses.

Je commençais à être inquiète des allures de conspirateur de ma petite amie et de l’étrangeté du quartier que