Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/27

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— Lui ! Ah ! ah ! — Mais c’est un canari de la ville — il ne regrette pas ce qu’il ignore, le pauv’p’tit. Il n’avait pas de plumes encore quand un horrible matou le fit orphelin.

Et la vieille s’essuya les yeux à ce souvenir touchant.

— Mais qui donc lui a montré ? …

Un coup d’œil de suprême dédain figea sur mes lèvres l’autre moitié de cette naïveté.

— C’est pas moi, bien sûr. Un canari qui naît dans une cage, c’te affaire, c’est un canari, c’est pas un moigneau !… Ça vient au monde avec une petite musique comme ça, dans le gosier !…

Furieuse, elle fit claquer la porte. Je l’entendis murmurer : Faites-donc éduquer ça dans les couvents !…

Et, voilà que le mot de la vieille, c’est pas un moigneau, m’est revenu comme un trait de lumière au cours d’une dissertation sur l’éternel thème : Sommes-nous des Français ou des Canadiens ? Étrange inquiétude, pourquoi ne serions-nous plus des Français ? — Parce que nous sommes nés au Canada ! Le lion devient-il renard pour s’être réfugié dans la tanière du croqueur de poules ? — Comme le canari de ma vieille voisine, ne naissons-nous pas avec une petite musique dans le gosier qui a bien sa signification ? Qu’avons-nous besoin du dictionnaire de Tanguay pour retracer notre noble origine ? Nous portons dans nos veines du plus pur sang des chevaliers français, nos pères l’ont prouvé en mille occasions. Il y a quelques années nos braves étudiants ne l’ont pas fait mentir quand ils ont lavé dans… l’eau, l’insulte faite au drapeau français. Ah ! ce furent des jours magnifiques ! Comme une traînée de poudre, la nouvelle s’était répandue que les étudiants du McGill avaient osé porter la main sur notre tricolore. En quelques minutes l’exalta-