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bleu — blanc — rouge

et qui dorment dans l’unique couchette, tendrement enlacés pour se réchauffer.

Noël ! Noël !

Une céleste pureté tombée du ciel rayonne sur la terre, la givre étincelle dans les vieux pins, les ruisseaux semblent ourlées d’argent fin, les branches tordues des arbres cristallisés sont frangées de pendeloques comme de gigantesques gazeliers ; les érables secouent des aiguillettes de chrysocale, formant un péristyle diamanté au palais en marbre blanc des forêts.

Noël ! Noël !

Les brelots passent regorgeant d’enfants, de femmes, de rires et de chansons ; la voix chevrotante des vieux s’harmonise avec les voix argentines des enfants.

Sur le miroir de glace de la petite rivière, quelques groupes de patineurs enlacés glissant avec un balancement harmonieux du corps, comme le tangage de la valse, si aériens, si légers qu’on dirait les génies de l’air effleurant à peine le verre étincelant, prêts à remonter au pays bleu. Ces arabesques qu’ils laissent sur la glace sont peut être de mystérieux billets doux, sonnets inconscients que la vie emporte, comme l’onde charrie à la mer l’éphémère ardoise, où l’agile patin griffonne sa fantaisie !

Noël ! Noël !

L’église flambe dans l’ombre, comme un cœur sanglant, et les portes, ainsi que des valves, s’ouvrent et se referment sous la poussée d’un flot noirâtre qui va demander à la lumière céleste l’oxygène de la vie pour se refaire un sang neuf et généreux, inspirateur de saintes vocations et de sublimes dévouements. Les lampions des cieux s’allument un à un, car c’est là-haut comme sur terre la messe de minuit,

Noël ! Noël !