AU SUCRE
OUS aimeriez à vous échapper de la ville pour goûter
ce plaisir exquis, « les sucres », lequel apparaît
nimbé de poésie à nous, Montréalais, avides d’émotions
nouvelles. Soit, votre désir sera accompli. La jolie fée
printemps, qui vêt les marguerites de blanches collerettes,
emprisonne les roses en d’étroits corselets verts,
va vous toucher de sa baguette enchantée et vous transporter
dans un joli village des bords du Saint-Laurent, où
derrière un rideau d’érables se lève l’astre matinal. Bon !
y êtes-vous. Le petit bourg s’éveille, les portes battent,
les châssis s’ouvrent, des têtes dépeignées interrogent
l’horizon, où se lève un jour incertain. Les vaches meuglent
tristement. Le sifflet de la fromagerie jette dans
l’air sa note stridente et des voitures chargées de canistres
de lait dévalent lentement de la petite montée. Les
paysans s’interpellent. — Beau temps pour les sucres. —
Pas assez fret ! — Ça pourrait couler plus ! — Bateau ! tout
de même que je m’amuserais, si tant seulement j’pouvais
lâcher l’ouvrage.