LE MAL D’ÉCRIRE
N certain chroniqueur a failli tomber dans le dithyrambe,
samedi, en s’apitoyant sur le triste sort des
femmes journalistes. Voilà, certes, un sentiment qui vous
honore, monsieur, si, comme tout porte à le croire, il part
d’un bon naturel. Mais, souffrez que je vous le dise, votre
sensibilité semble s’égarer un peu : le métier de chroniqueuse,
le seul auquel une canadienne instruite puisse aspirer,
n’est pas si souffrant. Par ces temps de fanatisme, de
loyalisme outré, on s’arrache une chronique presque sans dolor, comme crient les dentistes italiens. S’il exige, selon
monsieur Boch, une déperdition de fluide vital, l’économie
du système n’en souffre pas trop, car Dieu merci, nos
chroniqueuses ont assez belle mine ! Il en est, je crois,
des choses de l’esprit comme des trésors du cœur, plus on
en donne plus on est riche : c’est le phénix de la fable qui
renaît de ses cendres.