Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/35

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— Des gens de la ville qui sont dans les honneurs ! Voyez-vous c’est si gaspilleux ?

— Baptiste les a vus arriver par les chars. Ça s’en fait accroire ! Attention ! que les cloches vont en sonner une danse.

— Ça va récompenser le bedeau pour le baptême des Cholette, quand cet avaricieux de Babeu a été de cérémonie, y n’a pas voulu donner un sou à l’église, sous prétexte qu’il était en chicane avec le curé. Le vieux serre-la-poigne ! … Rien que deux petits coups de cloche !… Quelle honte d’arriver au monde chichement comme ça !

— C’était à pleurer, pauv’p’tit gars, y sera pas chanceux ben sûr, vous saurez m’l’dire.

— Mais qu’est-ce qu’ils peuvent ben tarder à sortir ?… Et les mains en abat-jour, les femmes dardent de leurs prunelles ardentes les volets de la petite maison, si bien qu’ils pourraient s’ouvrir, hypnotisés par le commandement de cette brutale curiosité campagnarde, que je soupçonne assez forte pour percer l’opacité des murs. Comment expliquer autrement que tant de mystères de l’intimité soient livrés en pâture à la méchanceté des gens, quand on est certain qu’ils n’ont eu pour témoins que le ciel muet, les oiseaux endormis, le ruisseau qui ne garde l’empreinte d’aucun mirage.

À l’intérieur de la petite maisonnette blanche, l’émotion est à son comble. Tout est sans dessus dessous, le beau linge bien repassé s’échappe par gros chiffons des tiroirs béants, sur une chaise s’étale la toilette toute raide de l’enfantelet qu’une vieille femme est en train de préparer pour le baptême. Les restes d’un déjeuner traînent