LE BARDA
OMME Monseigneur le Printemps envoie des hérauts
ailés avertir de son arrivée prochaine, les braves
petites ménagères se hâtent de faire leurs maisons coquettes,
pour fêter l’Hôte désiré. Il faut les voir, la robe
retroussée, les bras nus, la natte embrouillée, le nez
bourré de poudre noire, la mine débraillée et l’air
affairé, promener le balai et l’époussetoir dans tous
les coins. Telle jeune femme timide, au fin profil de
camée, prend des allures de virago, des mines rébarbatives
de vieille sorcière, à la voix cassante et dure,
quand l’horloge du temps sonne l’heure du grand barda,
selon la pittoresque expression canadienne, laquelle blesserait
le tympan délicat de notre correcteur national, mais
elle peint si bien la désolation du chaos, enfant légitime
du bon ordre et de la propreté. Le barda ! Une eau
forte parlée, dirait Richepin.