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bleu — blanc — rouge

On craint de parler haut ainsi qu’en une chambre d’agonisant. On n’ose troubler la solitude de ces âmes rentrées dans l’anéantissement et la paix. On souhaiterait parfois être comme elles délivrées des angoisses de la vie.

Chez les Franciscaines, au contraire, tout y est clair, vivant et réjouissant. Cloître manorial flanqué de tourelles gracieuses, construction d’un style antique rajeuni par l’élégance moderne. Salles éclairées et spacieuses. Sanctuaire d’une richesse incomparable en Amérique. L’aspect de nos cathédrales est parfois sévère, triste même. Ici, l’on est conquis par le charme presque sensuel qui se dégage de l’harmonie des teintes et de la forme. La beauté calme de cette chapelle sous la poussée d’un fiat lux muet devient soudain braséante. Mille lumières électriques surgissent des autels, de la voûte, des colonnades, de partout à la fois ! Nuit et jour, deux religieuses montent la garde devant le saint Sacrement continuellement exposé. Elles arrivent lentement, tout de blanc vêtues, dans les tons des figurines d’ivoire.

Leurs robes déferlent sur la dalle dans un long prosternement, on s’étonne qu’elles ne laissent pas de sillage, comme feraient des cygnes ondulant sur la pureté des lacs. Puis leur prière commence. Immobiles maintenant, les blanches religieuses sont en colloque avec l’agneau sans tache, l’époux de ces vierges immaculées ? Elles sont droites comme les cierges qui brûlent sur l’autel, se consumant, comme la cire fond, en aspirations généreuses, en sacrifices d’amour surhumain.

On nomme les Franciscaines les coquettes du bon Dieu et je comprends que l’époux mystique aime à se mirer dans la pureté de ces âmes blanches, belles d’une beauté surhumaine même, ces jeunes sœurs cloîtrées dont la plus âgée compte à peine trente ans. Elles ont le teint des