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bleu — blanc — rouge

jolies québecquoises, de grands yeux profonds, limpides comme un ciel d’aquarelle, ces rayonnantes épouses du Seigneur, enfants par le regard, mais femmes par la pensée et le dévouement !

La mort même en ces lieux a un aspect reposant. Du blanc, rien que du blanc autour de la religieuse défunte qui repose sur un lit de parade dans la crypte de la chapelle, sa robe d’épousée parsemée de roses, les doigts effilés joints par l’extase dernière, les lèvres pâlies sous un sourire inachevé avec une illusion de vie sur les lèvres, tombée des cierges scintillants. On dirait une vierge de cire conservée dans une châsse en verre… Et pour la première fois m’agenouillant près de cette couche nuptiale d’une franciscaine défunte, je me suis dit que parfois la mort est « belle, » quand elle rayonne du sourire de la béatitude…

Eh bien ! dans ces deux monastères, je crois voir un symbole du passé et de l’avenir. Le christianisme d’hier s’enfouissant sous la brume des siècles, avec le lever radieux du christianisme moderne fait de grâce et de mansuétude, de douce persuasion, de céleste tolérance, de charmante philosophie, personnifié par Léon XIII et Lacordaire, prêché par les dominicains. La prédication terrifiante et les épouvantements sont choses du passé, le christianisme des temps modernes a l’onction de son divin Fondateur Jésus, et ses prélats ont le suprême attrait de la sainteté souriante et courtoise !

Ah ! cette jeunesse de la vieille Église lui vient de sa charité qui renouvelle continuellement le sang de son cœur, de ses communautés qui lui fournissent une sève nouvelle : hospices, orphelinats, pensionnats, crèches, orgueil de notre Province. Tant que le cœur de la vieille Église s’ouvrira aux souffrances des malheureux quelle pique meurtrière oserait le déchirer et l’exposer sanglant aux insultes de la populace affolée ?…