Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/39

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Une volée retentissante de cloches fêlées s’égrène dans l’air, moins joyeusement que dans le cœur de la mère. Un citoyen de plus ! La joie, la fierté de la race qui se continue par une chaîne immortelle ! Le bonheur de voir une fleur de son amour s’épanouir et devenir un arbre vigoureux où s’abriteront à leur tour des nichetés d’oiseaux du ciel !

La fillette, brisée par tant d’émotions, s’est endormie.

Maintenant la mère interroge fiévreusement l’horloge : « Ils sont bien longs à revenir. » Chaque minute qui s’écoule loin de son fils lui semble une éternité. Un accident survenu peut être, la rencontre d’une autre voiture… Si l’on allait oublier de ramener le châle sur la petite figure de l’enfant et qu’il prendrait froid… Pauvre mère ! déjà l’inquiétude jette une goutte d’amertume dans ses joies…

Mais des pas résonnent sur le palier, l’escorte du petit chrétien revient, grossie du maire de la place, de l’avocat, du notaire, du sacristain, etc.

Les bras de la mère s’ouvrent avec ivresse, un baiser tombe comme une prière sur le front de l’ange qui vient de s’enregistrer dans la grande armée des chrétiens et d’y prêter le serment solennel, tandis que la carafe passe de mains en mains.

« À la santé de Monsieur mon fils, Marie-Joseph-Lorenzo-Maisonneuve-Pie-Paul-d’Artagnan-Laurier Plumeau.

— Bravo ! Autant de noms, autant de santés ! glapit un clerc de notaire, dont le nez servirait dans un sémaphore comme signal de danger.

— À la santé de la mère, corrige galamment l’avocat…

— Parbleu ! crie le papa gaillard, pas un membre de l’heureuse famille Plumeau ne sera oublié ! Je veux qu’on garde le souvenir de ce grand jour.