Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/42

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rer. Quel désarroi dans cette petite âme, quelle révolte contre l’injustice humaine. Rappelez vos souvenirs d’enfance, la médaille d’honneur donnée à l’amie de la maîtresse, le pensum immérité, la petite nièce de la supérieure l’emportant sur vos talents, sur votre travail, grâce à ses précieux liens de parenté avec l’autorité.

Rien n’indigne, ne froisse notre sentiment du juste et de l’injuste, comme de souffrir pour les autres… Chacun devrait être solidaire de ses fautes !

Dieu n’a t-il pas dit, par son prophète :

« Quand les parents auront mangé des raisins verts, les dents des enfants n’en seront pas agacées. »

La voix de l’inspiré s’est perdue dans le désert ! Après vingt-deux siècles, le préjugé est encore sur son piédestal ! On ferme le chemin de l’honneur et de la vertu au fils coupable de la faute de son père ou de sa mère. On casera dans quelque sinécure lucrative l’héritier légitime d’un agioteur craint et respecté, d’un boodler assez habile pour s’approprier légalement le bien d’autrui.

Mais le pauvre jeune homme énergique, probe, loyal, qui tente de reconquérir l’honneur d’un nom entaché par les auteurs de ses jours, se voit en butte à toutes les mesquineries des âmes étroites, (et il y en a tant !…) Accueilli d’abord avec bienveillance, son cœur s’ouvre à l’espoir ; il caresse de beaux projets d’avenir la fortune, l’amour lui sourient ! Mais quand il retourne chercher la confirmation de ses espérances, son protecteur, subitement refroidi, le reçoit avec une politesse glaciale, ou une commisération hypocrite plus insultante encore. Tout en le poussant vers la porte. « Désolé !… Désolé, cher monsieur… mais je ne puis rien pour vous. Il faudrait ici un homme avec de moins brillantes aptitudes, peut-être, mais d’un certain prestige, vous comprenez… »