Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/62

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veront leur première élasticité pour continuer le grand voyage vers les pays inconnus.

Venez les amoureux, épousés d’hier, venez effeuiller votre bouquet de fleurs d’oranger sous un ciel clément. Mes villas, parfumées de roses et de lauriers, sont pleines d’ombres et de mystère, venez étreindre votre rêve dans ces nids de verdure, les fauvettes et les rossignols seront discrets. Et puis, ne sont-ils pas tout à leurs tendresses ? C’est la saison où ils s’apprêtent à suspendre leurs nids dans les hautes branches. Sans perdre une minute, ils tissent les brins d’herbe et la laine volée à la toison de l’agneau : ils n’ont rien et créent tout par un miracle d’amour. Ces bonheurs d’oiseaux mettront une clarté d’aube dans votre vie, une vision de tête bouclée à caresser.

Ah ! les séduisantes sirènes, comme elles chantent harmonieusement ! Allons voir si elles tiennent bien leurs brillantes promesses. Et, à tout hasard, je mets pied à terre à Boucherville.

Pendant une heure j’évolue dans les petites rues de la jolie ville. À chaque pas, mon œil charmé jouit d’une nouvelle surprise. À côté d’une villa princière, une maisonnette sourit dans sa cachette de feuillage, rivalisant de coquetterie avec une riche voisine. Là, c’est un bosquet qui surgit tout à coup sans crier gare. C’est l’église en vieille pierre brute, une aïeule de cent ans, maternelle et bonne, qui semble bénir ses petits enfants dociles, s’abritant sous son aile protectrice, et d’antiques maisons seigneuriales, des monuments en ruines. Tandis que sur la nappe limpide glissent des yachts, des esquifs, de légers canots divisant le flot en petites vagues joyeuses, dont l’écume se replie en deux franges d’argent. Le vent joue dans les voilures, un sillage lumineux se déroule à l’infini. Des têtes de baigneurs apparaissent au-dessus