Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/65

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Comme par magie les chuchotements s’éteignent et les phrases coupées en deux expirent sur les lèvres. Les garçons cessent de lutiner leurs blondes, les sourires se figent sur les figures soudainement recueillies. Le flot silencieux et grave se pousse vers le sanctuaire.

Dans le lointain de l’eau courante, l’écho repercute le chant sacré, et les sonorités de l’orgue se mêlent au bruissement des feuilles, au gazouillis des oiseaux qui chantent à leur manière la grand’messe du bon Dieu.

Je continue ma promenade dans le village devenu muet comme un tombeau. Tout à coup, en plein milieu d’un champ, je vois se détacher un bouquet d’arbres, sur le vert plus pâle d’un carré d’avoine. Les lourdes branches en se courbant donnent au massif l’apparence d’une grotte.

Curieuse, j’avise un garçonnet en train de passer à travers la clôture d’un verger.

— Qu’est-ce que ce petit bois là-bas, plus loin que les rails du chemin de fer ?

— Ça, fit-il en s’essuyant le nez au revers de sa manche, c’est un cimetière de damné.

Hein ! un cimetière de damné, quel damné ?… Mais le gamin était déjà à la tête d’un pommier.

Brr…, il me semblait sentir une odeur de grillade… N’importe, j’étais résolue à savoir. Depuis l’histoire de la pomme, lorsque la curiosité s’infiltre dans l’âme d’une fille d’Ève, elle doit céder à la tentation, sinon le diable s’en venge en lui soufflant sa tranquillité.

Je m’engageai résolument, dans le champ, par l’allée qui conduit au petit bosquet. L’avoine y pousse drue et forte, l’air vient largement des prés charriant des odeurs de foin coupé, les grillons chantent, les abeilles bourdonnent, c’est un coin de vie universelle. L’haleine