Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/76

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Pour me donner l’illusion complète d’une fantasmagorie, une porte s’ouvre tout à coup et je vois défiler un étrange cortège.

Le flot qui l’apporta recule épouvanté.

Des têtes énormes grimaçantes, convulsées, sur des corps déjetés, d’une maigreur de squelette ; de lourdes masses de chair, surmontées de têtes oblongues, aux yeux chassieux, plissés dans un ricanement perpétuel. Un ancien clown, sans doute, saute avec une agilité de singe en faisant mille contorsions comiques ; un autre roule sur lui-même comme une toupie. Certains ressemblent à des fauves, les cheveux hérissés, les yeux dilatés, la bouche tirée, vous croyez qu’ils vont sauter sur vous. Je fermai les yeux, tandis qu’un frisson d’horreur me glaçait douloureusement, comme si une main géante m’eut balancée au-dessus d’un gouffre noir. Quand je les rouvris, le défilé s’évanouissait dans l’ombre d’un corridor, je crus m’éveiller après un cauchemar.

Et je continuai ma visite dans les salles en écoutant notre guide qui nous disait d’une voix émue les drames douloureux, dont le cinquième acte se déroule dans cette sombre enceinte. C’est une mère qui berce dans ses bras un bébé imaginaire, le petit lit est vide, mais elle y voit toujours son petit homme. Elle lui parle bien doucement, pour ne pas éveiller le cher dormeur. Elle écarte les mouches du berceau, car elles pourraient bien, les vilaines, mettre fin au doux rêve, dont sourit l’enfant. Ineffable épanouissement de chérubin, que la mère contemple en en extase, en nous disant : « Voyez donc, comme il est beau ! »

C’est une jeune fille, aux grands yeux doux dans une face exsangue continuellement tiraillée par des tics nerveux qui vous supplie : « Je ne suis pas folle, emme-