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de le profaner : vous qui savez arrondir vos périodes, soigner votre style pour nier l’existence de l’idéal. Vous êtes mécontent de ce que vos paroles mentent à votre pensée intime et vous éprouvez le besoin de briser quelque chose ou quelqu’un, histoire de passer votre dépit !

Je n’y crois pas, aux dangereux paradoxes que vous émettez en faveur de l’ignorance féminine, paradoxes dont j’hésite à sonder la subversive profondeur. Auriez-vous fait le rêve de nous ramener aux théories de Jean-Jacques Rousseau : l’innocence de l’ignorance, les jolies bergères illettrées, gardant les moutons dans les campagnes, métamorphosées d’un jour à l’autre en reines et en favorites parce que certains rois fainéants ou idiots, ou débauchés, avaient jeté leur dévolu sur elles. Mais ce qui était bon pour un roi, ne le serait guère pour un homme d’esprit de nos jours, tel que vingt siècles de civilisation l’ont fait : sceptique, blasé, soit, mais plus délicatement ciselé au point de vue intellectuel.

À l’homme moderne, il faut le type de la femme fin-de-siècle, fouillé par le ciseau d’un artiste progressif : le temps, instruite toujours, philosophe un tantinet, artiste, musicienne, si l’on veut, ce qui n’exclut pas la sensibilité, la bonté, le dévouement et la fidélité, au contraire. Je crois qu’il vaut tout aussi bien charmer ses loisirs à rythmer un sonnet, à croquer une nature morte, que de se manger tout vifs, un jour de réception, entre une tassette de chocolat et une miettée de gâteau, que d’aller, tous les jours, se balader sur la rue Sainte-Catherine, de trois heures à quatre ; ou bien encore, d’encombrer les magasins, à l’annonce d’un bargain day, et d’acheter des futilités, sans raison, rien que parce que ça se donne !

Et qu’avez-vous à dire contre les femmes musiciennes ? Est-ce que la science de l’harmonie serait à dédaigner dans un ménage : la valeur des notes, (de couturière, par