Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/97

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Ammon peti tanfan Zén-o-fil.

J’ai vu un berceau rustique où des fleurs s’épanouissaient à la place de l’enfant parti, gracieuse allégorie dont une mère seule pouvait avoir l’idée. C’est dans le quartier des pauvres, que j’aime surtout à errer ; je m’arrête à chacune de ces petites chapelles que la piété des parents élève à leurs chers défunts : des anges en plâtre, un Jésus et des chandeliers en faïence ; les tertres sont entourés de cailloux blanchis ou de mousse ; parfois des tombes assez luxueuses ; on a voulu verser toutes les épargnes de la tirelire dans la main du statuaire : « Il me faut quelque chose de beau, c’est le dernier présent que l’on peut faire au petit !…

Une surtout m’attira, toute simple pourtant, mais d’un goût exquis : un carré de marbre surmonté d’un vase où trois colombes en pierre se penchaient pour boire. Une femme ployée par l’âge, était agenouillée sur la terre humide qu’elle touchait presque du front. Son pauvre visage baigné de pleurs qu’elle ne prenait pas la peine d’essuyer. Je crus à un malheur récent, une vieille grand’mère à qui la mort avait ravi son petit-fils. Ses lèvres tremblantes marmottaient des prières — trois fois elle baisa la terre, puis lentement elle s’éloigna, trébuchant sur les grosses roches. Curieuse, je m’approchai pour lire l’inscription du gracieux monument !…

Ci-git :

Philippe Auguste, mort accidentellement le 8 juin 1833.

1833 !… Cette douleur avait soixante-huit ans !… Sous l’amère rosée des larmes, cette fleur d’amertume avait conservé son éclat !… Ah ! ces cœurs de mère !… Si l’égalité existe en la cité des morts, c’est dans la louange qui monte du marbre altier comme de la plus