Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/98

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modeste planche tombale : Au modèle des époux — À la femme forte de l’Évangile… Épouse fidèle et dévouée, mère sans reproche. — Au citoyen intègre, pleuré des pauvres. — Lis de candeur impitoyablement fauché par la cruelle Moissonneuse…

La mort est le Léthé suprême qui absout de tous les forfaits, la grande éponge qui lave les souillures de toute une vie. Et le ciel étonné reçoit cet encens obligatoire s’exhalant de la putréfaction de la chair. Il s’en dégage une consolation, c’est que l’homme n’est pas de sa nature méchant, ambitieux, jaloux et fourbe, puisqu’il se hâte de rejeter ces vices d’emprunt dès qu’il n’en a plus besoin pour grimper aux sommets des honneurs.

La loi veut maintenant qu’on ne fasse plus l’exhumation périodique des cadavres conservés dans les charniers. Les cercueils scellés dans la pierre ne dévoilent plus leurs horreurs qui n’étaient pas sans danger pour la salubrité publique.

Ah ! l’effrayant spectacle que ces corps desséchés, dont une partie de la figure n’offrait que des trous noircis recouverts d’une mousse grisâtre que perçait un bout de moustache, une mèche de cheveux. Parfois le masque, avec sa mâchoire tordue, semblait contracté dans un affreux rictus… Dire que tout cela avait pensé, parlé et vécu comme nous… Et ne pouvoir soustraire sa dernière grimace aux curieux !… Mais c’est du chagrin d’être exilés du soleil, des fleurs et des oiseaux, que ces pauvres morts étaient devenus si laids !…