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La littérature de l’époque

Nous citons une poésie de M. Mermet dont la bienfaisante influence se fait sentir dans les poésies du commencement du siècle. Il fut le Valdombre de son temps et ses railleries à l’adresse de nos rimailleurs eurent un bon effet sur la muse mal peignée et qui avait vraiment trop de terre noire entre les orteils :

LE SICILIEN EN CANADA
Kingston, 1814.

Un soldat que de la Sicile
En Canada, la guerre a transporté
Criait hier pour distiller sa bile :
— Ah ! quel pays, quand reviendra l’été ?
Où sont nos joyeuses vendanges ?
Où sont nos nos fertiles moissons ?
Où sont nos figues, nos oranges,
Nos grenades et nos citrons ?
Dans ce climat, rien ne nous vivifie :
J’y vois languir les bons humains :
Ah ! si je n’y perds pas la vie,
J’y perdrai, contre mon envie,
Les oreilles, le nez et les pieds et les mains.
Après la pluie, après la boue,
On voit blanchir tous les chemins,
Viennent bientôt les carrosses sans roues
Et certains fers qu’on surnomme patins.
On marche alors sur l’onde, ô merveille ! ô prestige !
On la traverse sans danger :
Mais moi qui tremble à l’aspect d’un prodige
J’y marche à petits pas du pied le plus léger,
Et… pouf !… je glisse et je fais la culbute…
Loin de m’aider ou d’être mon soutien,
Chacun se moque de ma chute :
Ah ! quel pays pour un vrai Sicilien
Quel sol affreux et quels tristes rivages !
Des bois partout ; des bois épais ;
Et dans ces bois, hommes cruels et sauvages,