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Papineau

entre les tribulations des Hébreux et les leurs. Puis, quand ils avaient médité sur ces pieux sujets, ils remettaient le gros livre à tranche dorée dans un coffre en bois que l’on cachait en un placard.

Qui n’a remarqué dans les ventes à l’enchère ces précieux bouquins aux frontispices merveilleux, gravés par des artistes en renom et ornés d’eaux-fortes. Si vous les ouvrez, vous voyez sur une page que l’éditeur a laissée en blanc, la généalogie des familles et les autographes de ses membres. D’une main appliquée, le père, sans doute, a inscrit la date des faits mémorables, naissances, mariages, décès, etc. Un vieil amateur de curiosités, toujours à l’affût de nouvelles trouvailles, nous a déclaré que nombre de vieilles familles de Québec et de Montréal possédaient de ces bibles sans en connaître la provenance. Questionnés, les gens ne pouvaient expliquer la présence de ces livres rares dans leur maison. On répondait :

— Je les ai toujours vus, — Ils étaient relégués à la cave ou au grenier. C’est un souvenir de famille…

Dans son autobiographie intitulée : « Cinquante ans dans l’Église de Rome », Chiniquy nous raconte que sa mère lui montra à lire dans une vieille bible. À cinq ans, le futur apôtre de la tempérance récitait des pages entières des livres sacrés, au grand émerveillement de ses parents et de ses voisins. Le curé, instruit des succès de l’orateur en herbe, dont la chaire était une grosse chaise en bois rustique, fut scandalisé d’apprendre que le gamin prenait le sujet de ses homélies dans un livre défendu par l’Église. Il en fit reproche au père et lui demanda de faire disparaître le volume. M. Chiniquy entra dans une grande colère car ce livre, pour des raisons mystérieuses, semblait lui tenir à l’âme.

Toutefois, le jeune Chiniquy n’a pas joué impunément avec le feu : une étincelle jaillie de ce brasier, et conservée sous la cendre, alluma plus tard dans cette conscience un incendie désastreux.

Mais les bibles ne sont pas les seules preuves du passage des Huguenots dans notre pays. Il y en a d’autres plus irré-