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Le souffle de la Réforme

cusables et qui ont laissé des vestiges dans l’âme canadienne. Papineau et plusieurs de ses collaborateurs étaient de même souche que ces novateurs qui avaient changé la face de l’Europe. Étant encore au collège, des ecclésiastiques, constataient que c’étaient des « esprits révoltés, » sans savoir où ils avaient pris leur insubordination intellectuelle. Élevés par des parents et des maîtres catholiques, dans un milieu où la foi était vivace, comment se fait-il que ces âmes, coulées dans le même moule, n’aient pas eu entre elles similitudes de sentiments et d’aspirations ? L’Église, qui avait couvé cette génération de canards audacieux, les regardait avec effarement prendre le large. Apeurée, gloussante, elle voulait les ramener sous son aile, mais ils n’entendaient même pas ces appels désespérés ; ils n’obéissaient qu’à leur instinct, qu’à cette voix obscure de l’atavisme qui les poussait vers de nouveaux horizons, à travers de dangereux récifs. Sans cette hérédité belliqueuse, ce passé de batailles qui avait trempé le ressort de leur volonté, n’auraient-ils pas faibli, vaincus d’avance par les obstacles qui se dressaient devant eux ? L’éclair de cette idée d’un miraculeux présage pour l’avenir de notre patrie avait jailli nous l’avons vu d’un cerveau huguenot. Les événements de 37-38 se résument dans une grande tentative de l’affranchissement de la pensée humaine par une insurrection de l’intelligence contre les régimes oppresseurs qui nous maintenaient dans une infériorité matérielle et morale. Si Papineau n’avait eu qu’un but, nous débarrasser de la tyrannie anglaise, ce but atteint ou manqué, il eut désarmé, mais au contraire il poursuivit l’œuvre commencée, réunit ses amis à l’Institut canadien, élabora avec eux un plan d’action pour mettre en déroute les sombres ennemis de la race, l’ignorance, le préjugé, la superstition ; il prêcha les vertus civiques, le culte de l’honneur, la souveraineté de l’État. La résistance à l’autorité arbitraire est à la racine même de la Réforme. Il faut rendre à Luther et à Calvin ce qui appartient à Luther et à Calvin : le libre examen contient le germe de toutes les revendications sociales. Le souffle de la Réforme était dans l’air. Il arrivait par larges bouffées de la Républi-