ils n’étaient pas aussi bien secondés par les soudards, les brutes avinées d’ici qui ne surent pas tenir compte de notre position géographique. Ces tyranneaux tentèrent de nous traiter comme les Irlandais. Un vent révolutionnaire soufflait en France et les États-Unis venaient de déclarer l’Indépendance. Le jeune Papineau, qui avait grandi sous ce joug, sentait bouillonner son sang au seul nom de la liberté. Nourri de Rousseau et de romantiques, il croyait à l’affranchissement des peuples par la justice et la liberté et rêvait de délivrer son pays de l’oppression anglaise. Il avait avec cela le sens de l’administration et de l’organisation, et par-dessus tout, ce je ne sais quoi de « haute race et d’altier » qui domine sa physionomie et impose tout en s’alliant merveilleusement à l’aisance des manières.
Mais la profonde originalité de ce caractère, c’est le patriotisme qui est comme l’inspiration de ses actes et le secret de sa force. C’est un héros antique égaré sur nos rives. Le cœur chez lui résonnait dès qu’on le touchait. On pouvait faire de lui ce compliment d’un Indien à un guerrier français : Je vois dans ton regard la hauteur du chêne et la vivacité des aigles. À la tribune, il était magnifique, brillant, fougueux ; il savait communiquer à ses auditeurs la flamme qui le dévorait. On retrouve dans ses proclamations aux citoyens les mots les plus propres à électriser les foules.
Voici de quel ton il parle aux électeurs du Bas-Canada en 1827 :
« Concitoyens, nés sur cette terre que la Providence vous a donnée pour berceau et où elle a fixé vos destinées ; concitoyens d’origine, de langue et de religion diverses qui êtes venus des différentes parties des domaines de Sa Majesté et des pays étrangers vous établir avec nous, puisse votre travail à tous et votre industrie recevoir au milieu d’une société paisible sa juste récompense, vous assurer à tous, à votre postérité, à ceux de vos compatriotes que vos succès engageront à marcher sur vos traces, l’aisance et le bonheur à l’abri des épreuves qu’engendre l’esprit de parti. La nature, ou plutôt le Dieu de la nature, en donnant aux hommes, à une époque où ils sont aussi éclairés