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Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/180

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Le souffle de la Réforme

ques. La conséquence fut qu’ils portèrent leur esprit d’entreprise vers l’industrie et le commerce. Par leur sens des affaires et par une volonté active dont personne n’a abîmé le ressort ils arrivèrent plus rapidement à la fortune que les catholiques, ce qui excita leur animosité. Sur cette jalousie industrielle et commerciale, vinrent se greffer, pour lui donner une apparence de justice, des griefs religieux, qui n’étaient pas fondés, car les protestants ne faisaient pas plus de prosélytisme qu’autrefois et se montraient bienveillants et charitable pour tous.

Il y a des gens qui ont une grande puissance de haine. Les protestants ne suffisaient plus pour assouvir leur passion masochique de mordre à belles dents dans la chair et l’âme du prochain. D’ailleurs, changement de proie donne appétit. Les libéraux, ces moutons galeux du troupeau, furent marqués d’une croix noire sur leur maigre échine et désignés à la méchanceté des foules. Le clergé trompé sur leur compte par des politiciens roublards les accabla d’anathèmes. Objets de secrètes et de publiques dénonciations, soupçonnés d’être voltairiens, ennemis des prêtres et de la religion, méprisés, honnis, ils se rapprochèrent des protestants en qui ils trouvèrent des alliés naturels. Ils adoptèrent un programme conforme aux idées des deux partis et dont les principaux articles étaient l’instruction généralisée, la séparation de l’Église et de l’État. Ils restèrent anti-fédéralistes et quelques-uns annexionnistes. Les derniers boulets tirés contre l’Union des Canadas partirent de l’Institut canadien où l’élément protestant était largement représenté.

Mais le comble, c’est que le catholicisme lui-même, par infiltrations successives, s’était aussi pénétré de l’esprit de la Réforme. Le clergé, qui avait toujours été conservateur, vit de ses membres passer à l’ennemi, le parti rouge. Les gallicans et les ultramontains se bombardèrent de pamphlets plus ou moins injurieux au grand désespoir de Rome qui avouait avoir plus de mal avec la petite Église du Canada qu’avec toute la chrétienté. Mais dans l’enchevêtrement broussailleux des discussions théologiques comme dans les buissons du jardin